Charte de Montréal

La pierre tombale d'Anséric VI de Montréal, protagoniste de cette charte.

The transcription reads:

Ge Anseriz, sires de Monreaul, fais savoir à touz ces qui ces letres verrunt que Hugues, dux de Borgoinen, m'a
presté Chastelgirart que il tenoit tant cum lui plara por moi et mes choses metre leanz. Et se il avenoit
que sa velunté fust que il le vosist ravoir, il me suffreroit getier moi et les moies choses de celu Chastel
girart et conduroit sauvemant moi et les moies choses dues jornees ou trois. Et je suis tenuz de yssir
et de delivrer celu Chastelgirart dedent le mois que il le m'auroit fait savoir. En tesmoignaige de
ces choses je en a donees mes letres seelees de mun seel. Ce fu fait en l'an de grace mil CC
cinquante et cinc, ou mois de setembre.
Translation:

Moi, Anséric, seigneur de Montréal, fais savoir à tous ceux qui verront cette charte qu'Hugues, duc de Bourgogne, a mis à ma disposition Châtel-Gérard, qu'il possède, aussi longtemps qu'il le souhaitera, pour en disposer et y déposer mes biens. S'il devait vouloir en disposer lui-même à nouveau, il lui suffirait de m'expulser de Châtel-Gérard moi et mes biens et de nous garantir une escorte pendant deux ou trois jours. Je suis tenu de quitter Châtel-Gérard et de rendre celui-ci dans le délais d'un mois après en avoir été informé. En témoignage de ces accords, j'ai émis et fait rédiger la présente charte scellée de mon sceau. Ce fut fait en l'an de grâce mil-deux-cent-cinquante-cinq, au mois de septembre.

La grande majorité des mots qui apparaissent dans cette charte sont faciles à comprendre puisqu'ils se sont maintenus jusqu'en français moderne. La principale difficulté réside dans le fait que leur graphie s'éloigne sensiblement de l'écrit actuel. La variation graphématique est un phénomène très caractéristique de l'écrit régional en ancien français (c'est-à-dire des scriptae) et ce n'est qu'au XVIe siècle que se mettra peu à peu en place une norme prescriptive. Dans notre texte, nous relevons par exemple deux graphies différentes pour le pronom personnel sujet de la première personne (ge / je). On notera également l'emploi systématique de u et non o (possible en ancien français) dans verrunt , velunté ou encore mun. Ce scribe ou, plus généralement, cette chancellerie (centre de l'écrit dans lequel le texte a été rédigé) comptait ce trait, entre autres spécificités grapho-phonétiques régionales et caractéristiques de la Bourgogne. L'examen minutieux d'un grand nombre de documents émanant de la même chancellerie établirait avec précision les usages grapho-phonétiques de celle-ci et permettrait de les mettre en lien avec les implications pragmatiques des documents. La scriptologie (c'est-à-dire la science qui consiste en l'analyse des formes grapho-phonétiques et des marques morphologiques d'une scripta donnée) permet en effet d'identifier les paramètres diatopiques et diaphasiques déterminants pour la 'physionomie' d'un texte élaboré.