Charte de l'épiscopat de Toul

cf. Glessgen 2010
cf. Glessgen 2010, "La terre lorraine, les puissants et les hommes : étude de la plus ancienne charte française du scriptorium épiscopal de Toul (1237)", in: Bibliothèque de l'Ecole des Chartes.

The transcription reads:

..et il le-revestirent de quanque li sires
de Commarcei lor avoit fait tort dedens le bonnes et ce lo revestirent de deus homes de kes li uns ai nom Girboles et li autres
Undeneis ki sont à-Voi menant; en tel meniere ke ce li chapitres et li sires de Commarcei se welent de ces-tenures et d'autres riens de
mander, il le poiront faire ou il deverent, fors tant ke li chapitres at aquitei le seignor de Commarcei de toiz les chateiz k'il disoit k'il
avoit pris à-tort en lor homes de Voi. Et nos, le raport et les choises ke sont davant escrites, crantonz et confermons. Et por ce ke ce
soit estaible choise, avons mis nostre seel en teimongnaige de vertei. Ce fuit fait en l'an ke li miliares corroit par mil et
deuz cens et trente seit ans, en mois de junet.
Translation:

...Ils [= les arbitres] le [= le chapitre] mettent en possession de tout ce que le seigneur de Commercy leur avait enlevé à tort dans (le périmètre délimité par) les bornes (évoquées) et ils le mettent en possession de deux hommes dont l'un s'appelle Girboles et l'autre Undeneis qui sont habitants à Void. De telle manière que si le chapitre ou le seigneur de Commercy voudraient se demander l'un à l'autre quoi que ce soit concernant ces biens ou d'autres choses, ils pourront ou seront en devoir de le faire jusqu'à ce que le chapitre se soit acquitté auprès du seigneur de Commercy de toutes les redevances que ce dernier déclarait que le chapitre avait pris à tort à leurs hommes de Void. Et nous, nous approuvons et confirmons le rapport et les choses qui sont écrites ici. Et pour que ce soit chose ferme, nous avons apposé notre sceau en témoignage de vérité. Ce fut fait en l'an où le premier millénaire était en cours et deux cent et trente sept années, au mois de juin.

Il s'agit de la première charte en français qui fait intervenir l'évêque Roger de Mercy dont l'exercice s'étend entre 1231 et 1253. Elle s'inscrit dans un ensemble de 12 chartes en langue française rédigées entre 1237 et 1251 qui concernent cet évêque. Seulement deux d'entre elles émanent concrètement du scriptorium de l'évêché et du chapitre de Toul: la nôtre et son vidimus. Ce constat dénote une réticence notable de l'évêque Roger à utiliser la langue vernaculaire à l'écrit. L'emploi du français est donc particulièrement marqué dans notre charte et s'explique par la volonté d'être compris de tous et d'assoir ainsi plus fermement le pouvoir temporel de l'évêque.

Le texte témoigne par ailleurs d'une cohésion particulièrement forte entre les différents membres du clergé en jeu dans cette affaire à savoir l'évêque, l'archidiacre, le doyen et les chanoines du chapitre qui agissent tous en harmonie contre le pouvoir seigneurial. Cet élément peut être mis en lien avec, notamment, la construction de la cathédrale Saint-Etienne de Toul commencée en 1221 et dont le choeur est achevé peu avant la rédaction de notre charte (1235). Cette époque se caractérise par la toute puissance de l'Eglise dans la région et ce ne sera que vers la fin du 13e siècle que les nobles laïcs joueront un rôle de premier plan dans la répartition du temporel.

On remarquera enfin que ce texte offre l'une des rares descriptions de terrain dont on dispose pour la période considérée. La précision de ces limites permet même d'en reconstituer l'étendue géographique. Sa superficie est d'environ 10 km2 et se présente de la manière suivante: